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  • LA VIE
    DES AUTRES

    un film de Florian Henckel von Donnersmarck

    2h17, sortie nationale janvier 2007
    avec Ulrich Mühe, Sebastian Koch, Martina Gedeck, Ulrich Tukur,...

     

    Le cinéaste allemand Florian Henckel von Donnersmarck fait une entrée remarquée dans le Septième art.

    Sa première réalisation La vie des autres a raflé de nombreux prix dont la récompense suprême : l'Oscar 2007 du meilleur film étranger. Dans une RDA à l'aube de la chute du mur, il confronte un couple d'artistes à des agents de la Stasi chargés de les surveiller et livre ainsi un thriller stupéfiant.

    Six ans après Amen, von Donnersmarck réunit à nouveau le tandem Ulrich Mühe/ Ulrich Tukur. Les interprètes des officiers nazis du film de Costa-Gavras incarnent cette fois-ci des agents de la Stasi, la police politique dans l'ex-Allemagne de l'Est, dans La vie des autres. Le doute de l'un d'entre eux sur les agissements de l'organisation à laquelle il appartient est une fois encore le point de départ de l'intrigue. Les rapports de subordination sont toutefois inversés. Contrairement à Amen, Ulrich Tukur supervise Ulrich Mühe qui joue un capitaine de la Stasi dont le zèle va progressivement être remis en cause. Pourtant à l'ouverture du film, on voit cet homme, Gierd Wiesler, adopter et enseigner avec indifférence des méthodes inhumaines dans un seul but : faire avouer les prétendus coupables. Il symbolise à lui seul la froideur de la Stasi qui écoute les moindres faits et gestes des habitants de la RDA.

    Tout bascule lorsqu'on lui confie la surveillance d'un dramaturge, Georg Dreyman (Sebastian Koch). Si Wiesler s'applique à sa tâche avec beaucoup de sérieux, il prend vite conscience du motif grotesque de sa mission. la compagne de Dreyman, l'actrice Christa-Maria Sieland (Martina Gedeck) est en effet convoitée par le ministre de la culture qui compte éliminer son rival en faisant appel à la police politique. Subissant la pression de son supérieur Grubitz (Ulrich Tukur) qui espère ainsi se voir accorder une promotion, Wiesler dérobe sans scrupule la vie intime de Dreyman qui est loin de se douter qu'on l'observe. Ce dernier n'a pourtant rien à se reprocher : artiste voué au parti, sa seule faute est d'aimer une actrice séduisante. Mais lorsque le poète décide d'être subversif, Gierd Wiesler s'échappe de son enferment idéologique. Et de fait, surveiller un artiste est une mission ardue. la lecture d'un livre de Brecht retrouvé dans l'appartement du suspect et l'écoute d'une sonate jouée par Dreyman éveillent les sens de Wiesler. L'inhumanité de cet homme qui ne croit plus en rien si ce n'est aux exigences du parti, se dissipe peu à peu pour laisser place à de l'amour et ébranler ainsi une institution qui tente d'imposer la terreur.

    Von Donnersmarck signe un premier film digne d'un réalisateur confirmé avec cette fresque touchante sur les heures sombres de la RDA. Les personnages qu'ils soient cruels, naïfs ou sympathiques sont le miroir d'un pays qui dans un dernier souffle, persiste à imposer un système où l'art est soumis au parti. En choisissant le genre du thriller, le réalisateur parvient à évoquer la Stasi, un sujet rarement traité au cinéma, avec beaucoup de finesse. Le film est porté par de brillants acteurs dont Ulrich Mühe qui derrière son habit gris, sa façade d'une expressivité glaciale et ses grands yeux bleus fascinants, est bouleversant.

    En Italie, il y a eu Nos meilleurs années et son pendant noir Romanzo Criminale. Outre-Rhin, il y a maintenant Good bye Lenin ! et La vie des autres qui partagent deux visions opposées de l'Allemagne de l'Est. Une réussite qui prouve une fois de plus l'efficacité de nos voisins européens à traiter de leur histoire contemporaine.

    Viviane Chaudon

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  • Susan Sontag,

    une femme d’exception

      par Élaine Audet   mer

     

    Source : Wikipedia

    Le 29 décembre 2004, alors que le monde entier pleurait les milliers de victimes des raz-de-marée en Asie du Sud-Est, on apprenait la mort de l’essayiste et romancière américaine Susan Sontag à l’âge de 71 ans. Depuis 30 ans, elle luttait avec succès contre le cancer qui l’a finalement vaincue. Auteure de dix-sept livres, traduits en trente-deux langues, dont quatre romans, des nouvelles, quatre films, des pièces de théâtre et huit essais, elle a collaboré dès sa fondation à la célèbre New York Review of Books et n’a cessé de prendre publiquement position dans tous les grands débats culturels et politiques de son époque. Ses principales œuvres sont Against Interpretation (1966) ; Styles of Radical Will (1969) ; On Photography (1977) ; Illness as Metaphor (1978) ; Under the Sign of Saturn (1980) ; AIDS and Its Metaphors (1988).

     

    On se souviendra de ses prises de position contre la peine de mort, la guerre du Vietnam, l’envahissement de l’Irak par les forces anglo-américaines, la politique d’Israël face au peuple palestinien et de ses déclarations, après les attentats du 11 septembre, conspuant "la superpuissance autoproclamée" des États-Unis. Son texte, dénonçant les tortures dans la prison irakienne d’Abou Gharib, publié en mai 2004, constituera sa dernière grande prise de position publique. « The photographs are us ». Les photographies, c’est nous, notre guerre, notre occupation, notre politique, écrit-elle. Elle y compare les photos des tortionnaires souriants à celles des lynchages dans le sud des États-Unis entre 1880 et 1930, et explique comment la violence, dans la torture comme dans la pornographie, fait désormais partie de la culture de divertissement américaine.

    Susan Sontag est née le 16 janvier 1933 à New York, dans une famille juive d’origine polonaise, d’une mère institutrice et d’un négociant en fourrures mort en Chine alors qu’elle avait 5 ans. Dans ses biographies, on apprend qu’elle sait lire à l’âge de 3 ans, qu’à 6 ans, elle a lu une biographie de Marie Curie et découvert l’importance de la justice sociale dans Les Misérables, de Victor Hugo. Elle a passé son baccalauréat à 15 ans, s’est mariée à 17 ans avec un de ses professeurs, Philip Rieff, a obtenu sa maîtrise de l’Université de Chicago à 18 ans et a étudié en philosophie à Harvard. Entre-temps, elle a donné naissance à un garçon, David. À 26 ans, elle divorce et possède déjà la pleine maîtrise de sa vie et de son œuvre. À la fin des années 80, elle se lie à la photographe Annie Leibovitz qui partagera sa vie jusqu’à sa mort. En 1999, elle publie avec elle Women, un album d’une centaine de portraits de femmes célèbres avec leur biographie. Le livre commence par le portrait de la mère de Leibovitz et se termine par celui de Sontag, de qui la photographe a fait plusieurs portraits inoubliables.

    Elle découvre à 12 ans toute l’horreur dont l’humain est capable en feuilletant, dans une librairie de New York, un livre sur les camps de concentration. C’est un choc intense, dit-elle, surtout une photo montrant des centaines de lunettes de déporté-es entassées en pyramide. Elle imagine, derrière chaque paire de lunettes, un homme, une femme, un enfant. Ce qui était abstrait est devenu irrémédiablement réel. De là sa fascination pour la photographie dont elle analysera le rôle dans un de ses essais les plus célèbres, On Photography (1977). Elle incite le spectateur à ne pas accepter les photos comme des preuves, mais comme le résultat du "conflit entre deux impératifs : embellir, impératif hérité des beaux-arts, et dire la vérité". Elle a illustré cette conception en commentant des photos célèbres comme celles prises lors de l’exposition du cadavre de Guevara en Bolivie ou des tortures de prisonniers irakiens par des soldats américains dans la prison d’Abou Gharib. Depuis un demi-siècle, affirme-t-elle, ce sont les photos qui ont déterminé "comment les conflits importants sont jugés et rappelés".

    Déchirée entre l’éthique et l’esthétique

    Toute sa vie, Sontag cherchera à atteindre le parfait équilibre entre l’éthique et l’esthétique. Elle se définit elle-même comme "une incurable esthète, une moraliste obsédée et une fanatique du sérieux". Selon ses amis, elle avait l’art de soulever les questions d’une façon nouvelle, d’apporter un angle que personne n’avait vu, de créer un effet de surprise qui forçait à réfléchir et provoquait la polémique. En 1964, elle publie l’essai qui la rendra célèbre internationalement, Notes on "Camp", où elle définit une culture inspirée par la mouvance homosexuelle, qu’on qualifierait aujourd’hui de "queer". Elle y fait l’éloge d’une nouvelle sensibilité urbaine apolitique dont l’accent est mis, comme chez Warhol par exemple, sur la vénération du style, l’exagération théâtrale, l’artifice et le mauvais goût. "Si mauvais, que c’est bon" ("so bad it’s good") ! Elle dit ressentir autant d’attirance que de répulsion pour cette culture et n’a jamais cessé de réfléchir sur l’attrait paradoxal des pensées "extrêmes", transgressives.

    Sontag refuse la séparation du contenu et de la forme. Dans Against Interpretation (1966), elle écrit : "La profusion des interprétations de l’art aujourd’hui empoisonne notre sensibilité. Dans une culture dont le dilemme classique est l’hypertrophie de l’intellect au détriment de l’énergie et du développement des sens, l’interprétation est la revanche de l’intellect sur l’art. […] Le plus important maintenant est de recouvrer nos sens. Nous devons apprendre à voir davantage, à écouter davantage, à sentir davantage." Elle se proclame amoureuse des surfaces et affirme que la tâche du critique n’est pas d’interpréter ce qu’une oeuvre "veut dire", mais plutôt de montrer "comment elle est ce qu’elle est." Avec un sens de la formule qui ne lui fait jamais défaut, elle déclare "qu’il faut remplacer l’herméneutique (l’explication des textes) par l’érotique de l’art". Pour elle, toute interprétation tend à tuer le pouvoir incantatoire et magique de l’art. À l’instar de Roland Barthes, dont elle se sent très proche, elle considère l’art comme une célébration, un moyen de "faire partager ses passions". Alors que la plupart des critiques américains se définissent à partir du passé, Sontag se fait l’avocate de l’ici et maintenant, en développant sa propre vision au contact de la culture émergente. Mais, déclare-t-elle en 1998, beaucoup plus qu’envers la défense de la littérature, "notre premier devoir est la solidarité humaine".

    Elle poursuit sa lutte "contre l’interprétation" de l’art dans ses deux livres consacrés à la maladie Illness as Metaphor (1978) et AIDS and Its Metaphors (1988), en cherchant à étendre son analyse au "monde réel", à celui du corps. Pour elle, il ne faut considérer les maladies dites mortelles - le cancer, le sida - "ni comme une malédiction, ni comme une punition, ni comme une gêne". Sans "signification profonde", ce sont simplement des maladies et pas forcément mortelles. "La mort fait partie de la dignité et du sérieux de la vie", ajoute-t-elle. Ses essais sont impersonnels et on y cherchera en vain une allusion à sa propre expérience, à ses relations personnelles ou à sa lutte constante contre le cancer.

    Déclarant aimer plus que tout l’écriture de fiction et vouloir y consacrer le plus clair de son temps, Sontag publie, en 1992, The Volcano Lover, roman historique sur les amours de Lord Nelson et d’Emma Hamilton, de facture conventionnelle, contraire aux canons qu’elle avait elle-même promus dans ses essais sur le style et la forme. On retrouve les mêmes éléments, intrigues sentimentales légères sur fond historique très documenté, dans son dernier roman In America (2000), qui raconte la vie d’une actrice polonaise venue vivre aux États-Unis à la fin du XIXe siècle pour y établir une communauté utopique. Le livre ne remporte pas le succès public et critique escompté mais reçoit le National Book Award.

    L’art, le fascisme et la pornographie

    Au cours des années 1970, avec la fin de la guerre du Vietnam et l’essoufflement de la "contre-culture", Sontag remet en question les conceptions qu’elle a défendues dans ses notes sur l’esthétique "camp", dans lesquelles elle admettait qu’on puisse considérer la culture nazie ou les films de Leni Riefenstahl comme des formes d’art appréciables. "On pense généralement, écrit-elle, que le national-socialisme ne signifie que la brutalité et la terreur. Il constitue aussi un idéal ou des idéaux présents sous d’autres bannières et qui persistent aujourd’hui : l’idéal de la vie comme art, le culte de la beauté, le fétichisme du courage, la dissolution de l’aliénation dans le sentiment extatique de la communauté, la répudiation de l’intellect...".

    Plus tard, Sontag justifie son virage par le fait que les temps ont changé : "Un art qui paraissait éminemment digne d’être promu il y a dix ans, au nom du goût minoritaire ou contestataire, ne paraît plus défendable aujourd’hui, parce que les questions éthiques et culturelles qu’il soulève sont devenues sérieuses, dangereuses même... " Des raisons qui semblent plutôt superficielles, "les questions éthiques et culturelles" que soulève un tel art, qui érotise et esthétise la violence, la haine, et les rapports de domination, étant les mêmes dix ans plus tard.

    Dans Fascinating Fascism (1975), Sontag déclare qu’il "n’est pas étonnant que le sadomasochisme soit ces derniers temps associé au symbolisme nazi : car jamais auparavant la relation maîtres-esclaves n’a été si consciemment esthétisée. […] La couleur est noire, la matière est le cuir, la séduction est la beauté, la justification est l’honnêteté, le but est l’extase, le fantasme la mort."

    Dans la New York Review of Books (1), la poète et essayiste féministe, Adrienne Rich, lui écrit au sujet de cet essai : "Que sont les thèmes de domination et d’esclavage, de lubricité et d’idéalisme, de perfection physique masculine et de mort, ’de contrôle, de soumission, et de force extrême’, ’la transformation des personnes en choses’,’la vitalité…identifiée au supplice physique’, ’l’objectification du corps coupé des émotions’ - de quoi est-il question sinon des valeurs masculinistes, viriles, patriarcales ?"

    Elle se demande si "l’emballement pour de tels thèmes ne reflète pas en ce moment un aspect du ressac provoqué par une fausse virilité qui se sent menacée par le rejet féministe de ses valeurs, ainsi que par la prise de conscience graduelle de femmes qui ne se réclament pas du féminisme ?" Elle regrette que Sontag n’ait pas exploré plus à fond la complexité d’un tel sujet et qu’elle n’ait pas poussé son exploration de ce culte [des symboles fascistes] au-delà de l’expression d’une mode, ou même du phénomène fasciste en soi, et qu’elle ne l’ait pas perçu à la lumière de l’histoire patriarcale, de la sexualité, de la pornographie et du pouvoir, les premières personnes transformées en choses étant toujours des femmes, les qualités (négatives) féminines étant attribuées à tous les groupes dominés afin de justifier leur oppression."

    Sontag lui répliquera que "la passion féministe appliquée à un sujet historique particulier aboutit à des conclusions qui, même vraies, sont extrêmement générales. Comme toute vérité morale importante, le féminisme est un peu simple d’esprit. C’est ce qui fait sa force et, comme le montre l’argumentation de Rich dans sa lettre, ce qui représente aussi sa limite." Sontag conclut que "ce n’est pas une trahison de penser qu’il y a d’autres objectifs que la dépolarisation des deux sexes, d’autres blessures que des blessures sexuelles, d’autres identités que l’identité sexuelle, d’autres enjeux politiques que les enjeux sexuels -et d’autres "valeurs anti-humaines" que les valeurs misogynes."

    Dans L’Envers de la nuit (2), Rich exprimera les mêmes divergences à propos des positions de Sontag dans The Pornographic Imagination (1967) : "Dire que l’objet de la sexualité est la mort me semble aussi romantique que de dire que c’est l’Éros. C’est une affirmation abstraite […]. Pour celles d’entre nous qui font chaque jour l’expérience des répercussions de la pornographie, non pas sous la forme de l’art mais sous la forme du viol, de l’assaut et de la peur de sortir seule dans la rue à la nuit tombée, ce genre d’affirmation n’apprend rien."

    Pour Rich, il s’agit "d’un humanisme qui a défendu Histoire d’0 et les écrits du marquis de Sade au nom de l’art révolutionnaire et de la philosophie politique. Un humanisme qui refuse de voir que ses leitmotivs (la réduction des femmes par la violence à l’état de chair détestée, à l’état, littéralement, d’excréments) préfigurent et rappellent tout à la fois l’Holocauste, les camps de travail sibériens et les atrocités au Vietnam, au Chili et partout où l’on a tenté et souvent avec succès d’écraser l’âme d’un peuple".

    D’autres auteures féministes, comme Susan Griffin (3), objecteront à la position "esthétique" de Sontag sur la pornographie que celle-ci, "en tant que femme, n’en parle jamais à partir de sa propre expérience. Car comment l’expérience de l’idée pornographique d’une femme peut-elle être expérimentée ?" Pour Griffin, la quête du non-être, de l’anéantissement de soi, est un fantasme masculin. Un débat, loin d’être clos, alors qu’il y a toujours des intellectuel-les "progressistes" pour faire de la prostitution et de la pornographie une forme d’art.

    Créer son propre mythe et le perpétuer

    Femme exceptionnelle, très médiatisée, que l’intelligence, l’indépendance, l’audace, le franc-parler et la beauté ont propulsée au sommet de l’intelligentsia occidentale, elle a su se créer une personnalité, tant esthétique qu’intellectuelle, qui deviendra un modèle de rigueur et de beauté pour ses contemporain-es. On lui a reconnu unanimement une capacité de synthèse hors du commun. Dans une entrevue au magazine Times en 1992, l’écrivain mexicain Carlos Fuentes l’a comparée à l’humaniste de la Renaissance, Erasme, qui voyageait avec 32 volumes contenant tout le savoir digne d’intérêt : "Susan Sontag porte tout cela dans son cerveau ! Je ne connais aucun autre intellectuel qui a les idées si claires et une telle capacité de faire des liens, connecter, relier." Dans ce même article du Times, elle déclarait que son but n’était pas d’exprimer l’aliénation, qu’elle était plutôt intéressée par diverses formes d’engagements passionnés et que le message de toute son œuvre pouvait se résumer à : "soyez sérieux, soyez passioné-es, réveillez-vous" !

    Les médias ont souvent accolé l’étiquette féministe au nom de Sontag, même si le combat contre toute forme de discrimination fondée sur le sexe n’est apparemment pas une de ses priorités, comme le démontrent ses prises de position sur la pornographie et ses multiples interventions politiques dont elle ne fait ressortir aucun angle fémininiste ou même féminin précis. Ainsi prend-t-on pour acquis que les femmes qui font leur place dans un monde d’hommes sont nécessairement féministes, même si c’est souvent à leur acceptation des règles patriarcales du jeu qu’elles doivent leur reconnaissance sociale. Ces exceptions servent ainsi de modèles inaccessibles pour la plupart des femmes parce qu’elles sont des exceptions justement, qui servent à faire oublier que la majorité des femmes continuent à vivre dans des conditions d’inégalité, de pauvreté, de violence et d’oppression. Sontag reconnaissait elle-même récemment avoir "oublié" de parler de la question des femmes, étant préoccupée par des problèmes plus pressants.

    L’éclat de son intelligence, l’étendue de ses connaissances, son sérieux et sa force de conviction n’ont cessé de fasciner. Son visage aux traits volontaires, sa bouche généreuse, sa voix sensuelle, son regard intense, sa longue chevelure noire traversée d’une mèche blanche font partie des "icônes" populaires du XXe siècle. Une personnalité de son envergure était loin, cependant, de n’avoir que des admirateurs. Certains critiques ne voyaient en elle qu’une habile vulgarisatrice des idées des autres et lui reprochaient les fréquentes remises en question de ses positions antérieures, notamment sur sa défense de Riefenstahl ou du communisme qu’elle en est venue à considérer, après l’avoir défendu dans son célèbre essai sur le Vietnam, comme un "fascisme à visage humain". On l’a accusée de cultiver la provocation pour attirer l’attention des médias et, même, de plagiat dans son dernier roman In America. Il est clair que les contradictions ne lui font pas peur, car pour elle, "la vie de l’esprit repose sur la capacité de remettre en question, de réinventer les idées".

    Elle avait l’air de tout savoir, une bibliothèque personnelle de 25 000 volumes illustrait l’ampleur de sa curiosité et de son érudition. Quelques mois avant de mourir, elle confiait à une journaliste avoir l’impression d’être au milieu de sa vie, d’avoir encore tant à dire ! De l’avis de tous ceux qui l’ont rencontrée, elle était habitée par une force vitale hors du commun, un insatiable appétit de vivre, de penser, de tout connaître, de témoigner, de créer, animée par l’amour de "la vérité" et dévorée par le désir constant de se dépasser. Pour elle, "la seule intelligence qui vaille d’être défendue, c’est une intelligence critique, dialectique, sceptique et désimplifiante ».

    Notes

    1. Adrienne Rich reply by Susan Sontag, "Feminism and Fascism : An exchange", New York Review of Books, 6 février, 1975.
    2. Laura Lederer et al., L’envers de la nuit, Montréal, Remue-ménage, 1983. Postface A. Rich, p. 364-367.
    3. Susan Griffin, Pornography and Silence, Culture’s revenge Against Nature, New York, Harper & Row, 1981), p. 229.

    Sources

    - Raphaëlle Rérolle, "Un formidable appétit de vivre", Le Monde, 30 décembre 2004.
    - Susan Rubin Suleiman, "De l’esthétisme "camp" aux engagements éthiques", Le Monde, 30 décembre 2004.
    - Margalit Fox, " Susan Sontag, Social Critic With Verve, Dies at 71", New York Times, December 28, 2004.
    - Charles Mc Grath, "An Appreciation : Susan Sontag, A Rigorous Intellectual Dressed in Glamour, New York Times, December 29, 2004.
    - Susan Sontag, "Mort d’une moraliste obstinée, Susan Sontag, la plus européenne des intellectuelles américaines, décède à 71 ans", Le Devoir, 29 décembre 2004.
    - L’œuvre de Susan Sontag publiée chez Farrar, Strauss, Giroux à New York.


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  • 10% du trou de la Sécu

    pour des vaccins contre

    la grippe A H1/N1

    La somme paraît disproportionnée. La France s'apprêterait à dépenser quelque 700 millions d'euros pour 100 millions de vaccins contre la grippe A H1/N1, titrait jeudi Le Parisien. Le montant et les modalités de ce marché, classés « secret défense », n'ont pas été confirmés par le ministère de la Santé, plusieurs fois sollicité. Mais ils soulèvent la polémique alors que la grippe n'a atteint que 434 personnes en France, dont aucun cas grave.

    Selon les Echos, la somme serait plus proche de 900 millions d'euros, soit près de 10% du trou de la Sécu (pour la branche maladie) qui a atteint 9 milliards d'euros en 2008. Et bien plus que les 490 millions d'euros dépensés par l'Assurance maladie pour rembourser les 2,72 millions de vaccins remboursés (de tous types) en 2008.

    En France, les vaccins, c'est culturel

    Si la France se veut en pointe de la préparation contre la pandémie, c'est « parce qu'on les fabrique, il faut les vendre », tranche le président de la Ligue pour la liberté de la vaccination, Jean-Marie Mora. Il rappelle que nous sommes le seul pays d'Europe où « on peut être sanctionné si on refuse les vaccins ».

    En France, pays de Pasteur qui donna son nom à l'institut et au leader mondial, associé à Sanofi, les vaccins, c'est toute une culture. Trois sont obligatoires aujourd'hui : la diphtérie, le tétanos, la polio ; et le BCG l'était jusqu'en 2007. En Europe, la vaccination n'est obligatoire qu'en Belgique, Italie, Portugal et Grèce.

    L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a beau avoir déclaré le stade 6 maximal de la pandémie, elle n'a pas encore demandé aux laboratoires de produire le vaccin contre la grippe A H1/N1. « La France a toujours eu, en matière de santé, une politique très en avance sur les autres », remarque le European Center for Disease Control.

    En l'absence de politique européenne de la santé, ce dernier n'a pas pu nous dire quels pays sont sur le point de lancer des commandes de vaccins préventifs auprès des labos.

    Les questions que l'on ne peut s'empêcher de se poser

    • Pourquoi dépenser autant d'argent alors que le virus n'a pas l'air si virulent ? Au-cas-où. En effet, la particularité du virus H1N1 est de pouvoir muter et devenir plus méchant qu'il n'est actuellement. Rappelons que par rapport à la grippe saisonnière, il ne s'attaque pas uniquement aux personnes fragiles mais peut tuer des gens dans la force de l'âge.
    • Combien de doses seront nécessaires ? Les premières estimations du gouvernement tablent sur deux doses par personne pour 50 millions de personnes. Or les laboratoires ne sont pas certains que deux doses seront nécessaires, et il est probable, selon les experts, que la vaccination de 50% de la population suffise à enrayer l'épidémie. Il se peut donc qu'au mieux 30 millions de doses suffisent. Chez Sanofi-Pasteur, on indique toutefois que « pour le virus H5N1 on sait qu'il faut 2 doses, là on peut supposer qu'il en est de même car la population n'a aucun anticorps ».
    • La vaccination sera-t-elle obligatoire ? « Dans l'état actuel de l'épidémie, il n'en est pas question », a récemment déclaré Roselyne Bachelot. La priorité serait donnée aux personnes les plus fragiles : les diabétiques, les personnes souffrant de pathologies cardio-vasculaires ou neurologiques, les enfants, les personnes âgées. Jean-Yves Nau sur Slate.fr se demande : « Si la menace est si grande, la cohérence voudrait qu'on rende obligatoire cette nouvelle vaccination. »
    • Les laboratoires seront-ils prêts ? Ils ont obtenu il y a trois semaines la souche, et lanceront les essais cliniques en août. Toute la difficulté sera de faire ceux-ci au plus vite, et d'être prêts à l'automne, au moment où il est prévu que le virus mute. Certains craignent d'ailleurs que le vaccin ne soit alors plus adapté au virus H1N1.
    • Cela nuira-t-il à la grippe saisonnière ? C'est l'un des enjeux que l'OMS est en train d'évaluer. La grippe saisonnière tue chaque année de 250 000 à 500 000 personnes dans le monde, dont 40 000 en Europe et entre 2 000 et 7 000 personnes en France. Des laboratoires comme Sanofi-Pasteur sont prêts à stopper la production de vaccins contre la grippe saisonnière si l'OMS lui demandait, mais ce n'est pas encore décidé.
    • Comment la France va-t-elle négocier avec les laboratoires ? Le Parisien évoquait une commande passée auprès de Sanofi, GSK, Novartis et Baxter, mais rien n'a dévoilé des négociations qui sont toujours en cours. Sanofi-Pasteur, à qui le gouvernement américain a déjà acheté pour 190 millions de dollars de doses, ne sait pas encore combien il en fabriquera pour ce montant. Albert Garcia, porte-parole du labo, nous explique que : « Face à un enjeu de santé publique, il ne faut pas parler de concurrence, et les prix seront négociés au plus serré. Ce vaccin pandémique ne sera pas vendu sur un marché privé, mais directement aux autorités de santé. D'ailleurs, on le fabrique pour être prêts mais on ne sait pas encore combien il coûtera. » La répartition des parts de marché sera décidée au niveau du gouvernement, et ses modalités sans doute classées « secret défense ». Pour comprendre à quel point il est difficile de savoir ce qui se trame au sommet, il suffit d'écouter cette parole malicieuse du porte-parole de Sanofi-Pasteur : « Les gouvernements peuvent passer commande sans le communiquer ». La transparence de l'info médicale n'est pas pour demain !

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  • Vaccin contre la grippe A H1N1 :

    la plus grosse arnaque du siècle ?

    H1N1_influenza_virusComme beaucoup de monde en ce moment, je me posais quelques questions à propos de la fameuse grippe A H1N1. On nous rabat les oreilles avec ça tous les jours, mais aucun reportage ou dossier pour répondre aux questions de base : Pourquoi la grippe A H1N1 est si dangereuse ? Pourquoi est-elle plus dangeureuse que la grippe saisonnière dont on ne parle pas autant ? Et la question qui vient à l'esprit juste après : Est-ce qu'il faudra se faire vacciner ?

    J'ai profité d'une météo nuageuse et humide ce WE pour passer en mode "recherche sur le Web" pour trouver des réponses à ces questions. C'est bien connu, on trouve tout sur le Web. Nul doute que le Web aurait les réponses à ces questions en 3 clics.

    Je me trompais.

    Après plusieurs minutes de recherches, impossible de trouver un article ou un lien qui m'explique clairement pourquoi la grippe A H1N1 est si dangereuse... Par contre, je suis tombé sur d'autres pages, avec des infos et des chiffres qui me perturbent un peu. En voilà un résumé :

    Nombre de décès

    • Nombre de décès du au virus H1N1 au 27 juillet 2009 :  816 morts (source OMS)
    • Nombre de décès dus à la banale gripppe saisonnière chaque année : entre 250 000 et 500 000 morts (source OMS)

    La grippe A H1N1 est-elle vraiment dangereuse ? Pas plus que la grippe saisonnière... en tout cas pour l'instant, car en cas de pandémie générale, on estime qu'on pourrait très rapidement arriver à 1 million de morts au niveau mondial. Mais ce qui fait vraiment peur à nos hommes politiques n'est pas le nombre de mort, mais le nombre de personnes qui resteront coincés au lit en arrêt maladie, ce qui entraînera "la paralysie du pays" selon François Fillon (source yahoo) et un inévitable ralentissement de l'économie... Et pour éviter ça : il faut vacciner.

    Vaccination

    vaccin-grippeLe principe de précaution veut que tous les pays s'équipent en stock de vaccins contre le virus. Le vaccin devrait être disponible en octobre 2009 selon le ministère de la santé... mais les laboratoires sont moins optimistes, et il se pourrait bien qu'il ne soit pas prêt à temps.

    C'est donc une course contre la montre... Un vaccin est en cours de fabrication à partir d'une souche du virus de mai 2009, en espérant qu'il ne mute pas d'ici là, sinon les vaccins seront totalement inéficaces. Normalement pour un médicament classique, il faut compter au moins 6 mois pour une mise sur le marché (tests cliniques, etc), mais là, les laboratoires vont devoir travailler vite... peut être même trop vite... et aux états-unis, ils commencent déjà à assurer leur arrières (juridiques), juste au cas où...

    Autres chiffres intéressants, le nombre de vaccins commandés :

    • La Suisse, par exemple, vient de commander 13 millions de vaccins pour une facture de 84 millions de francs suisses (source info.rsr.ch) : soit un prix unitaire de 6,40 CHF = soit 4,20 €
    • La France quand à elle vient de commander 94 milllions de vaccins pour la modique somme de 1 milliard d'€ (source news-assurances). soit 10,60 € l'unité...

    En France, on va donc payer les mêmes vaccins plus du double de la Suisse... si quelqu'un a une explication ça m'intéresse...

    Deux autres chiffres qui m'intriguent :

    • La France a donc commandé 90 millions de vaccins (plus une option de 40 millions supplémentaires en cas de besoin)
    • Pour info, au premier janvier 2009, la population française est recensée à... 60 millions de personnes...

    Je suppose qu'il y a une explication logique et qu'en matière de commande de vaccin il doit falloir prendre de la marge... mais à 34 millions de vaccins supplémentaires (74 millions si on commande le supplément en option), on a quand même affaire à de la belle marge là...

    D'autant plus qu'en France, tout le monde ne se fera pas vacciner vu qu'elle n'est pas (encore) obligatoire... mais elle l'est déjà en Grêce par exemple...

    En résumé...

    Logo_OMSOn est en train de commander des vaccins qui coûtent une fortune,  pour au passage sauver de la crise les labos pharmaceutiques qui sautent sur l'occasion pour se refaire une santé. Tout ça pour un vaccin qui a de fortes chances d'être baclé (donc mal testé et potentiellement dangereux pour la santé), arrivera probablement en retard, et pourra être inefficace en cas de mutation du virus d'ici cet hiver.

    Attention je ne dis pas qu'il ne faut pas se faire vacciner. Je ne suis pas un adepte de la non-vaccination. Mais pour chaque médicament, il y a une notion de bénéfice/risque... Et dans le cas du vaccin de la grippe A H1N1, le risque me semble énorme pour un bénéfice qui pourrait se rapprocher de zéro... Et à la vue des chiffres, on est en droit de se poser quelques questions... Certains pensent même qu'on est en droit de demander une enquête parlementaire...

    Je vous laisse vous forger votre propre avis. Ci-dessous une partie des sources et autres liens intéressants à lire.


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