• Russie : l'épreuve de force

    Je l'avais dis dans un précédent billet (ici), d'une certaine manière, la crise avec la Géorgie est l'affrontement de deux "impérialismes", le russe et l'américain.

    Le tournant majeur, c'est qu'aujourd'hui, la Russie n'a peur de personne, ni du sabre de bois des Européens divisés, ni des menaces des États-Unis. Pour ceux qui en douteraient, cette crise montre que la politique internationale demeure avant tout un rapport de forces entre intérêts nationaux, où les beaux principes et les pieuses déclarations ne sont que pure posture.

    Je ne dis pas qu'il faut s'y résigner. Au contraire, c'est sur les principes que devrait se distinguer une politique étrangère de gauche. Mais sans se faire d'illusions. Sans se raconter d'histoire.

    Il est vrai que la reconnaissance du Kosovo a servi aux Russes de précédent et de prétexte pour la reconnaissance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. La "brillante" médiation de Nicolas Sarkozy, que j'ai eu tort de saluer, se révèle être en fait une capitulation aux conditions russes.

    Que faut-il faire ?

    Sûrement pas la guerre ni les prémices de la guerre. D'autant que s'il y avait un référendum, les populations de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie choisiraient sans nul doute l'indépendance ou le rattachement à la Russie.

    Discutons entre Européens des moyens de pression dont nous disposons vis-à-vis de la Russie. Une fois identifiée une politique commune, disons ensemble à la Russie que nous comprenons ses intérêts mais que la paix du monde ne peut être garantie que par la négociation et non par la force.


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  • Les médias et la crise

    Débat à Paris : « Les médias et la crise »,
    avec Frédéric Lordon, 5 février

    Publié le 8 janvier 2009

    Après des décennies d'éloge de la « mondialisation heureuse » (Alain Minc), la crise économique et sociale invite à mettre à l'épreuve les discours et pratiques des journalistes spécialisés, des éditorialistes omni-compétents et de leurs « répétiteurs experts » qui, de concert, ont soutenu la mondialisation libérale.

    Pour en débattre...

    Jeudi le 5 février 2009 à 19h
    à la Bourse du travail de Paris, 3 rue du Château d'eau, Paris 10ème

    Avec Frédéric Lordon, économiste, auteur de Jusqu'à quand ? Pour en finir avec les crises financières, Raisons d'agir, 2008.
    ... Le début d'un article de Frédéric Lordon paru dans le numéro de novembre 2008 du Monde Diplomatique sous le titre « Les disqualifiés » et publié ici avec l'autorisation de son auteur.


    En guise de présentation...

     

    Les disqualifiés

    Si c'était une attraction de la fête à Neu-Neu, pour y faire venir des intellectuels on l'appellerait « le trombinoscope gyratoire » – et pour les plus petits « le manège aux cornichons ». A la télévision, à la radio, dans la presse écrite, qui pour commenter l'effondrement du capitalisme financier ? Les mêmes, bien sûr ! Tous, experts, éditorialistes, politiques, qui nous ont bassiné pendant deux décennies à chanter les louanges du système qui est en train de s'écrouler : ils sont là, fidèles au poste, et leur joyeuse farandole ne donne aucun signe d'essoufflement. Tout juste se partagent-ils entre ceux-ci, qui sans le moindre scrupule ont retourné leur veste, et ceux-là qui, un peu assommés par le choc, tentent néanmoins de poursuivre comme ils le peuvent leur route à défendre l'indéfendable au milieu des ruines.

    Parmi eux, Nicolas Baverez est visiblement sonné et cherche son chemin parmi les gravats. L'effet de souffle a dû être violent car le propos est un peu à l'état de compote : « la mondialisation conserve des aspects positifs » [1] maintient-il contre vents et marées, non sans faire penser au regretté Georges Marchais. Pourtant, lâche-t-il dans un souffle, c'est bien le « capitalisme mondialisé qui est entré en crise » [2], et « l'autorégulation des marchés est un mythe » [3]. Il n'empêche : « le libéralisme est le remède à la crise » [4]. Or qu'est-ce que le libéralisme sinon la forme d'organisation économique déduite du postulat de l'autorégulation des marchés ? Peut-être, mais Baverez décide qu'il ne reculera plus d'un pouce là-dessus et qu'il faudra faire avec les complexités de sa pensée : « le libéralisme n'est donc pas la cause de la crise », quoique par autorégulation interposée il soit le problème... dont il est cependant « la solution » [5] – comprenne qui pourra.

    D'autres sont moins désarçonnés et font connaître avec plus d'aisance que, si les temps ont changé, eux aussi sont prêts à en faire autant. « Cette bulle idéologique, la religion du marché tout-puissant, a de grandes ressemblances avec ce que fut l'idéologie du communisme [...] Le rouleau compresseur idéologique libéral a tout balayé sur son passage. Un grand nombre de chefs d'entreprise, d'universitaires, d'éditorialistes, de responsables politiques ne juraient plus que par le souverain marché ». Celui qui, tel la Belle au bois dormant, se serait endormi avant l'été pour se réveiller et lire ces lignes aujourd'hui, croirait sans doute avoir à faire une fois de plus à ces habituels fâcheux d'Attac ou bien de L'Humanité. C'est pourtant Favilla l'éditorialiste masqué des Echos [6] qui libère enfin toute cette colère contenue depuis tant d'années. Car on ne le sait pas assez, les Echos sont en lutte : trop d'injustices, trop de censures, trop d'impostures intellectuelles. N'a-t-on pas étouffé « la vérité » même : « Toute voix dissonante, fût-elle timidement sociale-démocrate, en rappelant les vertus d'un minimum de régulation publique, passait pour rescapée de Jurassic Park. Et voici que tout à coup la vérité apparaît. L'autorégulation du marché est un mythe idéologique » [7]. Prolongeant les tendances présentes, on peut donc d'ores et déjà anticiper qu'un sonnant « Il faut que ça pète ! » donnera bientôt son titre à un prochain éditorial d'un Favilla déchaîné.

    Décidément la Belle au bois dormant aurait du mal à reconnaître ses nains. Laurent Joffrin, qui il y a quelques mois encore aidait Bertrand Delanoë à pousser son cri d'amour pour le libéralisme et fustigeait « la gauche bécassine » [8], celle qui n'a pas compris les bienfaits du marché, a visiblement mangé de la mauvaise pomme – en fait la même que Favilla : « depuis plus d'une décennie, les talibans du divin marché financier ont rejeté tous les avertissements, méprisé tous les contradicteurs et récusé toute tentative de régulation » [9]. On en était resté au moment où les talibans faisaient cause commune avec les critiques de la mondialisation. Se peut-il que les enturbannés aient si brutalement changé de camp, en fait depuis si longtemps, et sans même qu'on s'en soit aperçu ?

    A leur décharge, ces pauvres éditorialistes ne faisaient qu'ânonner ce que leur avaient seriné pendant tant d'années leurs répétiteurs experts. Or de ce côté l'hécatombe est impressionnante également [...]


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  • PRÉSENTATION



    Deux économistes, Joseph Stiglitz et Jean Pisani-Ferry, directeur du centre de réflexion Bruegel, s'interrogent sur les effets et les évolutions de la mondialisation dans le marasme économique et financier actuel. Ensemble, ils réfléchissent aux solutions les plus appropriées pour sortir de la crise.

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  • Textes philosophiques

    Krishnamurti    conformisme, réforme et révolution


         Dès votre naissance, dès les premières impressions que vous recevez, votre père et votre mère ne cessent de vous dire ce qu'il faut faire et ne pas faire, ce qu'il faut croire et ne pas croire, on vous dit que Dieu existe, ou qu'il n'y a pas de Dieu, mais que l'État existe et qu'un certain dictateur en est le prophète. Dès l'enfance, on vous abreuve de ces notions, ce qui signifie que votre esprit, qui est très jeune, impressionnable, curieux, avide de connaissances et de découvertes, est petit à petit enfermé, conditionné, façonné de telle sorte que vous allez vous conformer aux schémas d'une société particulière, au lieu d'être un révolutionnaire. Et comme cette habitude d'une pensée formatée s'est déjà ancrée en vous, même si vous vous «révoltez» effectivement, c'est sans sortir du cadre des schémas établis. A l'image de ces prisonniers qui se révoltent pour être mieux nourris, avoir plus de confort - mais en étant toujours dans l'enceinte de la prison. Lorsque vous cherchez Dieu, ou que vous voulez découvrir ce qu'est un gouvernement équitable, vous restez toujours dans le cadre des schémas de la société qui dit : «Telle chose est vraie, telle autre est fausse, ceci est bien et cela est mal, voici le leader à suivre, et voilà les saints à prier.» Ainsi votre révolte, comme la prétendue révolution suscitée par des gens ambitieux ou très habiles, reste toujours limitée par le passé. Ce n'est pas cela, la révolte; ce n'est pas cela, la révolution : il s'agit là simplement d'une forme exacerbée d'action, d'un combat plus courageux que d'ordinaire - mais toujours dans le cadre des schémas établis.

         La vraie révolte, la vraie révolution consiste à rompre avec ces schémas et à explorer en dehors d'eux. Tous les réformateurs -- peu importe qui ils sont - ne s'intéressent qu'à l'amélioration des conditions dans l'enceinte de la prison. Jamais ils ne vous incitent au refus du conformisme, jamais ils ne vous disent : «Abattez les murs de la tradition et de l'autorité, franchissez-les, dépouillez-vous du conditionnement qui emprisonne l'esprit. » Or la véritable éducation consiste à ne pas simplement exiger de vous la réussite aux examens en vue desquels on vous a bourré le crâne, ou la retranscription de choses apprises par coeur, mais à vous aider à voir les murs de cette prison dans laquelle votre esprit est enfermé. La société nous influence tous, elle façonne notre pensée, et cette pression extérieure de la société se traduit peu à peu sur le plan intérieur; mais aussi profond qu'elle pénètre, elle agit toujours de l'extérieur, et l'intérieur n'existe pas pour vous tant que vous n'avez pas brisé l'emprise de ce conditionnement. Vous devez savoir ce que vous pensez, et savoir si c'est en tant qu'hindou, musulman ou chrétien que vous pensez - c'est-à-dire en fonction de la religion à laquelle vous vous trouvez appartenir. Vous devez être conscients de ce que vous croyez ou ne croyez pas. C'est de tout cela que sont faits les schémas de la société, et si vous n'en prenez pas conscience, vous en êtes prisonniers, même si vous croyez être libres. Mais dans la plupart des cas, nous ne nous préoccupons que d'une révolte circonscrite à l'enceinte de la prison ; nous voulons de meilleurs repas, un peu plus de lumière, une plus grande fenêtre pour voir un plus grand pan de ciel.

    Le Sens du Bonheur, Point Sagesse, p. 108-109.

    Indications de lecture:

    Leçon Sagesse et révolte.


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