• Le Printemps des poètes en est à sa 11e édition. Onze ans que l'association de promotion et de défense de la poésie bat le rappel des amoureux de la rime pour célébrer deux semaines durant une littérature trop souvent négligée par les éditeurs et le grand public. Du 2 au 15 mars 2009, Jean-Pierre Siméon, son directeur artistique, a choisi Denis Podalydès pour parrain et Jean Tardieu comme symbole d'une édition à mourir de rire.

    Le théâtre, la littérature, le cinéma... et la poésie. Denis Podalydès est un touche-à-tout de génie. Sa mise en scène du 'Cyrano' de Rostand fait les beaux jours de la Comédie-Française depuis trois ans et 'Voix off', un ouvrage hybride, lui a valu le prix Femina essai en 2008. Un livre qu'il concluait par un long poème. C'est en parrain du Printemps des poètes que Denis Podalydès s'est réincarné cette année. Car pour lui la poésie est une madeleine de Proust qui doit être portée sur le devant de la scène. Et c'est là le rôle du comédien : apprendre à jouer les mots que d'autres ont assemblés. Rencontre avec un artiste engagé dans un projet d'utilité publique par sensibilité et par conviction.

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    Vous avez accepté d'être le parrain du Printemps des poètes cette année. Quelles ont été vos motivations ?

    C'est très simple, le goût de la poésie et l'amitié que je porte au scénographe Jacques Bonnaffé, à Jean-Pierre Siméon, au comédien Dominique Parent. Et bien sûr, mon intérêt pour la manifestation elle-même, qui promeut un genre littéraire tellement important et si méconnu dans le paysage médiatique. Car même dans les théâtres, il est assez peu question de poésie. Ce parrainage était donc l'occasion de dire mon attachement, et ma responsabilité vis-à-vis de ce genre majeur.


    Considérez-vous, à l'instar de Jean-Pierre Siméon, que la poésie est en danger, qu'elle n'est pas assez représentée ?

    Je trouve la poésie mal éditée, assez mal diffusée. Comme le théâtre, elle fait partie de la littérature mais reste pourtant curieusement sous-estimée. Or c'est un rapport vital au langage. Si les poètes finissent par renoncer complètement à se vendre, ils se mettent à l'écart d'une certaine manière. Parfois ils y sont très bien, car les temps du poète hugolien devant la société en marche sont révolus, néanmoins leur publication me paraît essentielle. Ecrire des poèmes, est un choix difficile et courageux qui demande parfois une abnégation absolue. Des instances devraient avoir pour tâche de dire : "Lisez de la poésie contemporaine." Car elle est très drôle. Mes neveux se tordent de rire quand je leur lis 'Les animaux de tout le monde et les animaux de personne' de Jacques Roubaud. Voilà un exemple de très beaux poèmes qui ne sont pas simplement de petites comptines, mais des pièces extrêmement vivantes.


    Pensez-vous, en tant qu'écrivain et comédien, devoir aider à la diffusion de la poésie ?

    Bien sûr. Par des lectures, par cette manifestation, par toutes les formes de valorisation possibles. Les comédiens sont, de ce point de vue, des passeurs. A ce sujet une question revient : les comédiens disent-ils mieux la poésie que les poètes eux-mêmes ? Certaines oeuvres sont très bien lues par leurs auteurs, d'autres très bien dites par des comédiens. J'ai d'abord aimé la comédie pour cela, pour sa parenté avec la récitation, avec la poésie à voix haute en classe. Pour moi, ce fut ma première expérience très profonde du langage, une émotion très grande à travers des mots étrangement disposés sur le papier.


    Votre travail se rapproche-t-il de la poésie, dans votre dernier livre 'Voix off', dans vos spectacles ?

    Sans doute. J'ai une affection très ancienne pour le style, pour la langue mais aussi pour la poésie. J'ai même repris un poème à la fin de 'Voix off', comme un jeu, comme un petit roman. La dimension ludique de la poésie me plaît. En temps que metteur en scène, j'aime beaucoup cette idée d'un théâtre poétique et d'une poésie théâtrale. On la retrouve dans 'Cyrano de Bergerac' que j'ai élu pour le goût presque naïf que la pièce affiche pour la poésie. L'oeuvre de Rostand est un long poème brassant tous les genres du tragique au dramatique en passant par le poème potache ponctué d'onomatopées.


    Quels sont les poètes qui vous touchent, qui vous ont amené à la poésie ?

    J'ai très banalement commencé avec un ouvrage qui s'appelait 'Mon premier livre de poésie' et proposait les poèmes les plus connus de la langue française : 'Ma bohème' de Rimbaud, 'Le Lac' de Lamartine, 'Le Pont Mirabeau' d'Apollinaire... Si ensuite j'ai découvert que ces textes appartenaient à des recueils, ma première approche s'est faite par l'anthologie. Le poème était pour moi une sorte de monument posé sur la page, une montagne comme le 'Booz endormi' de Hugo. Plus tard, je me suis découvert un attachement particulier pour les surréalistes. De tout cela, restent finalement les plus grands, que ce soient Rimbaud, Baudelaire, Ronsard, Du Bellay, Maurice Scève ou Nathalie Quintane par exemple, une poétesse contemporaine que j'aime beaucoup.


    Un vers appris dans l'enfance vous revient-il particulièrement en mémoire ?

    "Oh! là! la! que d'amours splendides j'ai rêvées !" Ce vers est, je crois, l'un de ceux qui m'a le plus enchanté. C'est un souvenir lié à l'école par la pratique de la récitation. Le "par coeur" est une dimension très importante, sans lui la poésie ne se donne pas complètement comme phénomène émotionnel. Un poète disait : "La poésie ne donne que des mots mais les donnant avec l'originel mystère qui sont en eux, elle convie à posséder ce que disent ces mots." La poésie, comme le théâtre, propose cette illusion de saisir les choses par les mots ou les mots à travers la chose qu'est le poème. Elle est une entité très matérielle, très sonore. Je crois que j'ai découvert la poésie ainsi, en me gargarisant de mots. Plus tard, j'ai fait d'autres découvertes comme celle de la poésie raréfiée, de l'expérience phénoménologique avec Yves Bonnefoy ou Jacques Dupin. Mais au départ, le premier moteur a été le rire.   Lire la suite de Hymne à la joie »

    Propos recueillis par Aurélie Mongour et Thomas Flamerion pour Evene.fr - Février 2009


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  • Russie : l'épreuve de force

    Je l'avais dis dans un précédent billet (ici), d'une certaine manière, la crise avec la Géorgie est l'affrontement de deux "impérialismes", le russe et l'américain.

    Le tournant majeur, c'est qu'aujourd'hui, la Russie n'a peur de personne, ni du sabre de bois des Européens divisés, ni des menaces des États-Unis. Pour ceux qui en douteraient, cette crise montre que la politique internationale demeure avant tout un rapport de forces entre intérêts nationaux, où les beaux principes et les pieuses déclarations ne sont que pure posture.

    Je ne dis pas qu'il faut s'y résigner. Au contraire, c'est sur les principes que devrait se distinguer une politique étrangère de gauche. Mais sans se faire d'illusions. Sans se raconter d'histoire.

    Il est vrai que la reconnaissance du Kosovo a servi aux Russes de précédent et de prétexte pour la reconnaissance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. La "brillante" médiation de Nicolas Sarkozy, que j'ai eu tort de saluer, se révèle être en fait une capitulation aux conditions russes.

    Que faut-il faire ?

    Sûrement pas la guerre ni les prémices de la guerre. D'autant que s'il y avait un référendum, les populations de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie choisiraient sans nul doute l'indépendance ou le rattachement à la Russie.

    Discutons entre Européens des moyens de pression dont nous disposons vis-à-vis de la Russie. Une fois identifiée une politique commune, disons ensemble à la Russie que nous comprenons ses intérêts mais que la paix du monde ne peut être garantie que par la négociation et non par la force.


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  • Les médias et la crise

    Débat à Paris : « Les médias et la crise »,
    avec Frédéric Lordon, 5 février

    Publié le 8 janvier 2009

    Après des décennies d'éloge de la « mondialisation heureuse » (Alain Minc), la crise économique et sociale invite à mettre à l'épreuve les discours et pratiques des journalistes spécialisés, des éditorialistes omni-compétents et de leurs « répétiteurs experts » qui, de concert, ont soutenu la mondialisation libérale.

    Pour en débattre...

    Jeudi le 5 février 2009 à 19h
    à la Bourse du travail de Paris, 3 rue du Château d'eau, Paris 10ème

    Avec Frédéric Lordon, économiste, auteur de Jusqu'à quand ? Pour en finir avec les crises financières, Raisons d'agir, 2008.
    ... Le début d'un article de Frédéric Lordon paru dans le numéro de novembre 2008 du Monde Diplomatique sous le titre « Les disqualifiés » et publié ici avec l'autorisation de son auteur.


    En guise de présentation...

     

    Les disqualifiés

    Si c'était une attraction de la fête à Neu-Neu, pour y faire venir des intellectuels on l'appellerait « le trombinoscope gyratoire » – et pour les plus petits « le manège aux cornichons ». A la télévision, à la radio, dans la presse écrite, qui pour commenter l'effondrement du capitalisme financier ? Les mêmes, bien sûr ! Tous, experts, éditorialistes, politiques, qui nous ont bassiné pendant deux décennies à chanter les louanges du système qui est en train de s'écrouler : ils sont là, fidèles au poste, et leur joyeuse farandole ne donne aucun signe d'essoufflement. Tout juste se partagent-ils entre ceux-ci, qui sans le moindre scrupule ont retourné leur veste, et ceux-là qui, un peu assommés par le choc, tentent néanmoins de poursuivre comme ils le peuvent leur route à défendre l'indéfendable au milieu des ruines.

    Parmi eux, Nicolas Baverez est visiblement sonné et cherche son chemin parmi les gravats. L'effet de souffle a dû être violent car le propos est un peu à l'état de compote : « la mondialisation conserve des aspects positifs » [1] maintient-il contre vents et marées, non sans faire penser au regretté Georges Marchais. Pourtant, lâche-t-il dans un souffle, c'est bien le « capitalisme mondialisé qui est entré en crise » [2], et « l'autorégulation des marchés est un mythe » [3]. Il n'empêche : « le libéralisme est le remède à la crise » [4]. Or qu'est-ce que le libéralisme sinon la forme d'organisation économique déduite du postulat de l'autorégulation des marchés ? Peut-être, mais Baverez décide qu'il ne reculera plus d'un pouce là-dessus et qu'il faudra faire avec les complexités de sa pensée : « le libéralisme n'est donc pas la cause de la crise », quoique par autorégulation interposée il soit le problème... dont il est cependant « la solution » [5] – comprenne qui pourra.

    D'autres sont moins désarçonnés et font connaître avec plus d'aisance que, si les temps ont changé, eux aussi sont prêts à en faire autant. « Cette bulle idéologique, la religion du marché tout-puissant, a de grandes ressemblances avec ce que fut l'idéologie du communisme [...] Le rouleau compresseur idéologique libéral a tout balayé sur son passage. Un grand nombre de chefs d'entreprise, d'universitaires, d'éditorialistes, de responsables politiques ne juraient plus que par le souverain marché ». Celui qui, tel la Belle au bois dormant, se serait endormi avant l'été pour se réveiller et lire ces lignes aujourd'hui, croirait sans doute avoir à faire une fois de plus à ces habituels fâcheux d'Attac ou bien de L'Humanité. C'est pourtant Favilla l'éditorialiste masqué des Echos [6] qui libère enfin toute cette colère contenue depuis tant d'années. Car on ne le sait pas assez, les Echos sont en lutte : trop d'injustices, trop de censures, trop d'impostures intellectuelles. N'a-t-on pas étouffé « la vérité » même : « Toute voix dissonante, fût-elle timidement sociale-démocrate, en rappelant les vertus d'un minimum de régulation publique, passait pour rescapée de Jurassic Park. Et voici que tout à coup la vérité apparaît. L'autorégulation du marché est un mythe idéologique » [7]. Prolongeant les tendances présentes, on peut donc d'ores et déjà anticiper qu'un sonnant « Il faut que ça pète ! » donnera bientôt son titre à un prochain éditorial d'un Favilla déchaîné.

    Décidément la Belle au bois dormant aurait du mal à reconnaître ses nains. Laurent Joffrin, qui il y a quelques mois encore aidait Bertrand Delanoë à pousser son cri d'amour pour le libéralisme et fustigeait « la gauche bécassine » [8], celle qui n'a pas compris les bienfaits du marché, a visiblement mangé de la mauvaise pomme – en fait la même que Favilla : « depuis plus d'une décennie, les talibans du divin marché financier ont rejeté tous les avertissements, méprisé tous les contradicteurs et récusé toute tentative de régulation » [9]. On en était resté au moment où les talibans faisaient cause commune avec les critiques de la mondialisation. Se peut-il que les enturbannés aient si brutalement changé de camp, en fait depuis si longtemps, et sans même qu'on s'en soit aperçu ?

    A leur décharge, ces pauvres éditorialistes ne faisaient qu'ânonner ce que leur avaient seriné pendant tant d'années leurs répétiteurs experts. Or de ce côté l'hécatombe est impressionnante également [...]


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  • PRÉSENTATION



    Deux économistes, Joseph Stiglitz et Jean Pisani-Ferry, directeur du centre de réflexion Bruegel, s'interrogent sur les effets et les évolutions de la mondialisation dans le marasme économique et financier actuel. Ensemble, ils réfléchissent aux solutions les plus appropriées pour sortir de la crise.

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